Chronique d’une BD : « Comme chez toi » de Carole Maurel

Née en 1980 quelque part dans le sud-ouest de la France, et sortie en 2005 des Gobelins, Carole Maurel travaille depuis dans le domaine du cinéma d’Animation et du graphisme. Avant de s’attaquer à « Comme chez toi », elle a participé, en tant qu’auteure graphique, à la BD « Les Chroniques Mauves« . Elle est également l’auteure d’illustrations et de portraits que l’on peut visualiser sur son siteA voir, notamment, ses portraits des personnages de la série « Les revenants ».

Comme chez toi est donc son premier album de bande- dessinée en solo. Nous avons souhaité en savoir plus sur le processus de création, l’inspiration et les techniques de travail qui ont permis sa réalisation…

Quelle a été l’étincelle qui a fait démarrer cette histoire ?

Tout est parti d’un concours qui avait été organisé sur le site Delitoon avec Casterman et deux autres partenaires. L’intitulé était « Dîner de filles », avec une contrainte, rester dans la BD d’humour. Je me suis dit que quitte à  participer à ce genre de concours, je pouvais proposer quelque chose d’un peu décalé, quelque chose d’un peu différent de ce qu’on a l’habitude de voir et lire dans ce vaste domaine que sont les chroniques humoristiques « féminines », sans la prétention de faire mieux que qui que ce soit, mais juste un peu différent…

Est-ce que le titre « Comme chez toi » s’est imposé rapidement ?

Non, ça a été difficile. Ça parait simple comme ça mais… On y a réfléchi à deux avec mon amie, et je crois que c’est elle qui a trouvé la version définitive. On est passé de « Dîner de filles, rien qu’entre filles » à « Fait comme chez toi » puis « Comme chez toi ». Un titre simple et évocateur de ce qui se passe dans l’histoire puisque l’une des nénettes abuse un peu de l’hospitalité de ses amies.

Quelles ont été tes sources d’inspiration ?
 

Des amies ! Celles que j’ai pu avoir dans le passé et celles que je fréquente maintenant, ça vaut  tous les humoristes de la planète réunis (je vous invite à passer une soirée avec elles, on en ressort facilement avec un album pré-écrit).

Comment t’organises-tu pour travailler, trouver l’inspiration ?

Les personnages et leurs aspects physiques me sont vite venus en tête. Par contre, la prise de note, c’est quelque chose que je fais et que je devrais faire plus souvent. J’ai une muse particulièrement pénible qui adore me réveiller à 5 heures du mat’ pour me souffler une idée sympa, lorsque je n’ai rien à proximité pour tout noter !

Écris-tu un scénario très précis ?

Pour ce projet, j’avais déjà un bon nombre de planches écrites et dessinées lorsque j’ai mis en place un fil conducteur, il ne me restait plus qu’à compléter et replacer les anecdotes dans un ordre chronologique cohérent.

Est-ce que tu tiens un journal ou un carnet de croquis à côté de ta BD ?

Vu que j’ai sollicité beaucoup de monde dès la création de ce projet (en faisant voter pour le concours, et en proposant de donner de l’argent sur Ulule pour créer des goodies), ça me paraissait intéressant et naturel d’offrir aux gens qui connaissaient le projet le moyen de suivre son état d’avancement. Je l’ai même fait sous la  forme d’un blog, j’ai également partagé pas mal de choses sur la page Facebook. Quelque part, les gens ont pris part au projet, il y avait une forme d’interaction qui  se mettait en place et c’était assez stimulant.

Quel est ton rythme de travail? Est-ce que tu t’imposes des horaires, etc.

Oui comme quelqu’un qui bosse en télétravail !  J’ai un métier fixe à mi temps à côté de la BD en tant que graphiste illustratrice, ça me permet de  pouvoir gérer des projets personnels de manière assez libre, tout en ayant des contraintes de délais pour du boulot dit de « commande ». Mais pour en revenir aux horaires, j’ai adopté un chien qu’il faut sortir à heures fixes, ça aide  quand on ne regarde pas trop souvent la pendule…

D’autres techniques ?

Mmmh… Pas vraiment, en revanche j’insiste sur le chien, important le chien !

J’ai lu le test sur ton blog « Quel personnage êtes-vous ? » Est-ce que cela t’a permis de mieux cerner tes personnages ou c’était déjà fait quand tu as développé ce test ?

Lorsque j’ai rédigé ce test, j’avais déjà les caractères des personnages bien en tête et ça m’a assez amusé de proposer aux potes et aux lecteurs de s’identifier à elles de cette sorte. J’ai eu des retours surprenants et drôles. C’était aussi l’occasion de faire connaître les personnages d’une manière assez ludique, et pour moi de prendre un peu de recul sur l’histoire et les personnages en écrivant des descriptifs amusants.

Est-ce que tu rédiges des fiches par personnage pour écrire leur biographie ?

Oui, et c’est quelque chose que je travaille beaucoup plus pour un prochain projet, donner un contexte de vie pour chaque personnage, ça me permet de leur donner du relief, de la crédibilité et de nourrir les intrigues.

Comment trouves-tu leurs prénoms ?

Je ne suis pas allée chercher bien loin pour les filles de Comme chez toi, je leur ai donné des prénoms de ma génération, ceux des copines (ou des vôtres), je me voyais mal les baptiser Brenda, Kelly, Jenny ou Loana (quoique)… On est resté sur quelque chose de très classique.

Est-ce que tous les personnages sont basés sur des gens que tu connais ?

Tous les personnages sont fictifs, les filles sont assez inspirées de quelques unes de mes connaissances et leurs petites histoires aussi (il y a des anecdotes qui sont tirées de faits réels). Et heureusement que ces personnages ne  sont que pure invention (bonne chance à celui qui supporte quelqu’un comme Mamoune au quotidien !).

Certains d’entre eux s’imposent-ils à toi ? J’ai vu par exemple avec ton chien que certains de tes « personnages » existent réellement…

Le personnage de Stef (le principal) s’est assez vite imposé oui… Vu la thématique de départ j’avais envie de mettre en scène un personnage un peu androgyne qui puisse s’affranchir des poncifs un peu hétéronormés, capable de prendre beaucoup de recul sur la vie de ses copines, de s’agacer autour des thématiques dites « girly » un peu trop clichées, un personnage qui puisse tourner leur quotidien en dérision sans détour (comme cela pourrait m’arriver de le faire, intérieurement…). Stef c’est le personnage qui dit tout haut ce que je pense tout bas.
Après il y a des personnages secondaires sur lesquels j’ai des retours sympas, comme pour Mamoune ou Loulou, le fils d’Anouk. Peut être parce qu’ils ont toujours le chic pour sortir une phrase inattendue, ça crée des situations décalées qui mettent tout le monde dans l’embarras. On aime bien voir des personnages dans l’embarras, moi la première… (les gens sont un peu sadiques, hein !) Sinon, il existe réellement une personne dans mon entourage qui s’est retrouvé coincée en bas d’un immeuble, sous la pluie lors d’une soirée « Dirty dancing » parce qu’elle n’avait pas le digicode… Et, quelque part, il y a réellement un kiné qui a reçu un texto douteux envoyé par erreur par une copine… Mon chien est vraiment cleptomane et il a une baballe rouge trouée qui ressemble à s’y méprendre à autre chose… Il y a un chat qui a réellement pissé dans la trousse d’une amie (ils sont bien plus nombreux qu’on ne le croit ces salopards !). La recette des radis poêlés au foie de porc salé existe bel et bien (spécialité Tarnaise)… Quand au quiz « Quelle vieille star alcoolique êtes-vous », on pouvait le trouver à moment donné sur Facebook, et, bizarrement je ne me souviens plus de ma réponse…

Aurais tu des conseils pour celles et ceux qui démarrent la BD ou l’écriture d’un scénario ? Des trucs contre la page blanche, la flemme… ?

Oh ! Dur de répondre étant donné que je suis moi-même un peu novice pour le coup !  Quand les idées ne viennent pas, en général je me note dans un coin une liste des sujets, des thèmes qui m’intéressent, m’énervent, me font réagir d’une manière ou d’une autre… Lorsque j’ai une vague histoire qui se met en place, avec un thème qui prédomine, je crée une histoire pour chacun de mes personnages. Je suis libre ensuite de me servir de ce que j’ai écris ou pas, mais ça aide beaucoup. 

Il m’est arrivé récemment de me planter sur une histoire que j’avais proposée. La thématique était intéressante mais pas l’approche : ça donnait un ensemble assez figé et ennuyeux  à lire. Je me suis donc servie d’une autre idée que j’avais eu bien avant pour modifier mon récit et les choses se sont misent en place de manière plus naturelle, plus ludique aussi. Je crois qu’à partir du moment ou l’on s’amuse beaucoup dans l’écriture, ou l’on ne s’interdit rien (dans un premier temps), alors l’imagination se fait moins timide (et cette garce de muse ne s’interdit plus de venir vous réveiller à 5 heures du matin pour vous servir des idées plus ou moins fraîches !).

Et puis contre la flemme… heu… navrée, je n’ai pas de remède miracle, c’est un fléau chez moi aussi. Donc plutôt que de vous donner des conseils que je ne serai pas fichu d’appliquer pour moi-même, je préfère m’abstenir…

Peux-tu nous parler de ta démarche communautaire avec Ulule ? Qu’est-ce que cela t’a apporté ?

Des lecteurs ! Et des gens que je connaissais ou pas qui se sont sentis vraiment impliqués dans le projet !

Qu’as-tu fais que tu n’aurais pas fais en créant ta BD dans ton coin ?

Ça m’a permis de financer pas mal de petits produits dérivés que j’ai pu envoyer en contre partie aux contributeurs, ça m’a motivé pour avancer sur l’album car des gens avaient « donné » pour avoir plus tard l’objet livre dans les mains. Quelque part, il y avait déjà une attente de leur part. Et puis, ça m’a permis de considérer ce projet de BD comme un projet global, déclinable sous plusieurs formes, sur plusieurs supports… On pouvait déjà lire quelques planches sur la plate forme de diffusion numérique Delitoon et j’ai ouvert en plus un blog pour y montrer des planches inédites, partager l’état d’avancement de l’album… J’en ai partagé presque autant sur ma page Facebook. Je me demande si aujourd’hui beaucoup d’auteurs griffonnent encore dans leur cave sans rien montrer ou partager sur les réseaux sociaux ou sur les blogs ? Dans l’ensemble on est assez friands de ce type de diffusion et de partage et si des plate-formes comme celles d’Ulule permettent en plus de financer des projets en sollicitant ces gens qui suivent notre travail sur le web, autant ne pas s’en priver.


Marie-Hélène Branciard – Juin 2013

A lire également à propos de cette BD : « Stef, Fanny, Sophie, Anouk, Jo… et les autres »

 

Publié le 8 juillet 2017